De quel traumatisme as-tu souffert pour faire des images aussi tordues ? Plus simplement quel a été ton parcours artistique ?Je prends beaucoup de plaisir à rire tu sais (par exemple une fois j’ai ri pendant plusieurs jours), mais on m’a appris que ça faisait malpoli de le montrer, alors même dans mes dessins je ris mais je le cache, c’est important d’être poli. Mais je vais tout te raconter si tu veux bien. Comme tous les petits, je dessinais des voitures, des papas et des mamans, des femmes nues qui fai… Après le bac j’ai fait des études de multimédia qui m’ont permis de rater tous mes entretiens d’embauche et de dessiner comme tout le monde des petits animaux mignons en vectoriel pour les proposer à LaFraise.com, mais c’était sans compter sur Gégé… Un soir de fête, j'ai rencontré Gégé, un peu spéciale, elle était très célibataire, elle avait apporté des mirabelles en bocal et lançait des crocodiles Haribo sur les gens en hurlant, c’était super mais j’ai ressenti comme un drôle de besoin, j’ai d’abord cru qu’il fallait que j’aille aux toilettes, mais ça n’a pas suffi… Alors je me suis dit qu’il fallait exorciser tout ça en faisant son portrait, mais elle méritait un traitement spécial. En effet, ma formation multimédia m’avait appris qu’un ordinateur travaillait plus proprement qu’une main humaine, alors pour Géraldine, j’ai repris mon vieux criterium que je n’avais pas touché depuis le collège. En somme, depuis cette histoire, j’évacue dans la douleur mais avec le sourire (ou l’inverse).Tu es plutôt du genre artiste solitaire et besogneux ou ultra-branché toujours dans les bons coups ? O solitude, my sweetest choice! – Henry Purcell Tu crois vraiment que si j’étais dans les bons coups je travaillerais avec Vladimir Bozar ? Etre branché ça m’a l’air compliqué en ce moment, ça demande beaucoup de temps. Je préfère consacrer ce temps à mes dessins. Et honnêtement, j’ai porté des cagoules en laine pendant trop longtemps pour être considéré comme un mec « branché ». Du coup je suis devenu un besogneux solitaire (j’ai longtemps été amoureux de Lio et puis c’est passé). Actuellement, je vis comme un retraité dans un ancien moulin à huile, c’est rigolo, mais c’est souvent l’heure de la sieste. En fait, je ne connais pas vraiment les us et coutumes du monde de l’ «ART», alors je me contente de faire mes dessins dans mon coin et propose mes services aux gens que j’apprécie.Affiches de festival ou artwork d’album, comment expliques-tu la profusion de ces collaborations ? Quelle profusion dans tes œuvres, Seigneur ! La terre s'emplit de tes biens. Ps. 103 (104), 24 Personne aujourd’hui n’est réellement en mesure d’expliquer cette profusion. J’ai entendu dire que Dieu lui-même n’était plus vraiment sûr de son coup. (Tiens ! Encore un mec que je ne connais pas m’envoie un message pour me dire qu’il voudrait vraiment un dessin de moi en couverture de son magazine !*) Comme tu le sous-entends fortement, je pense que les gens ont besoin de mes illustrations pour supporter la vie actuelle. Ces derniers temps j’ai eu de la chance, j’ai été contacté pour plein de projets (Tu sais quoi, je n’arrive plus à employer le terme « contacté » sans penser aux extraterrestres à cause d’un voisin qui parle sans arrêt des gens « contactés » par les extraterrestres, il a des histoires vraiment folles, tu devrais l’inviter à en parler le 28.) En parallèle je participe à des livres collectifs de plus en plus fréquemment, de par ce fait, je suis véritablement en train de m’étendre tel une pieuvre sur le monde, et je ne m’arrêterai pas tant qu’il n’y aura pas un cadre à moi au-dessus de chaque cheminée française. (* Le type qui voulait un de mes dessins en couverture vient de me signaler qu’il s’était trompé de personne.)Quels sont les artistes qui t’ont inspiré, et quels artistes ou collectifs pourrais-tu nous faire découvrir ? Je m’inspire beaucoup des boules en sulfure (tu sais ça ressemble à des aspics en cristal avec des fleurs à la place de la viande), et de la voix de John Zorn dans sa reprise de Brigitte Bardot ou de la tête de Bourvil. Pour le dessin proprement dit, Pushead (l’illustrateur officiel de Metallica) m’a influencé depuis le collège pour son souci du détail et ses ambiances sympas. Suite à ça, pendant des années, j’ai voulu vivre dans les pochettes de Philippe Huart pour Ange. Ensuite je suis tombé sur des dessins de Crumb. Les boulots de Per Frykdahl m’ont montré qu’on pouvait très bien dessiner sans dessiner très bien. Et puis un jour en surfant un peu trop loin sur l’internet, j’ai découvert les artistes du Dernier Cri (éditeur de livres sérigraphiés à Marseille) mais attention, ça tache les yeux ! http://www.lederniercri.org/En terme de flyers et affiches de concert on peut parler de Jake Kelly le maître incontesté du noir et blanc, ou du génie Shawn K. Knight, mais ça serait dommage de ne parler que d’eux.Quels sont tes projets à court terme ? Trouver un boulot et laisser tomber le dessin. Mais avant ça je dois finir mes projets en cours, comme faire encore quelques affiches pour Gonzaï, peut-être d’autres participations à d’autres magazines (mais je préfère ne pas tuer la peau de l’ours dans l’œuf), une participation à un livre collectif sur le kamasutra, pourtant je déteste le sexe à tous les niveaux, je crois que le bonheur réside dans la stérilisation. Je dois aussi réparer ma chasse d’eau et racheter une ampoule pour mon frigo. J’aimerais faire aussi des t-shirts pour l’été prochain (ça fait trois ans que j’en parle).Comment aimes-tu les vernissages ? Je les aime hauts et courts avec des chips ! Mais si tu comptes inviter des belles personnes aussi, tu peux.