Il avait bien commencé ce printemps, nous étions contents au mois de mars de l’accueillir. La promesse d’un soleil qui revient, le Printemps des poètes annonçait le retour attendu des salons qui nous font sortir de notre tanière pour aller à la rencontre de nos lecteurs… toucher du bout des doigts l’illusion d’une reconnaissance, d’une considération, d’un siège au CNL. Elle avait été notre première demande à notre tout premier rendez-vous au nom de la tout juste créée FEDEI, un jour de pluie torrentielle à Paris. Ce jour-là, nous étions allés au CNL pour demander, tout simplement et naïvement, de nous y laisser entrer. Puisque nous étions là désormais, puisque la petite et moyenne édition indépendante, celle qui est notamment installée en région, — même en Ile de France —, qui est fière d’animer les territoires et d’assurer la bibliodiversité s’était fédérée, évident pour nous, de demander ce siège… Un siège qui, nous le savions, ne nous assurerait pas une influence décisionnaire quelconque, mais qui aurait une valeur symbolique. Et quel symbole plus fort que celui de laisser s’exprimer une autre parole — la nôtre— là où elle doit être principalement entendue : au sein de l’établissement qui a pour mission de soutenir le livre, d’encourager la création et la diffusion d’ouvrages de qualité, la création littéraire et le débat d’idées. La mission de soutenir tous les livres, toutes les créations littéraires, même les nôtres. Le symbole donc, au sein de cette maison qui se veut de toutes les éditions, de reconnaitre notre existence, l’existence d’une autre édition, moins centralisée, moins concentrée aussi ; l’existence d’autres modèles économiques bien moins lucratifs, certes, mais tout aussi considérables. Nous étions sortis de ce rendez-vous, je me souviens, un peu plus secs, certes, mais avec le sentiment que nous n’étions pas près de ranger notre bâton de pèlerin, bien au contraire ! Prêcher notre parole n’allait pas être facile mais, nous en étions convaincus, cela en valait la peine, cela méritait qu’on se la donne. Trois ans de rendez-vous plus tard, avec les uns —institutionnels— et les autres —confrères bien plus installés et influents— ; après des premières assises réussies qui ont démontré notre légitimité et où notre demande d’ouverture de siège a été formellement appuyée ; après une étude ministérielle sur la petite et moyenne édition, (sur nous, donc). Trois ans de rendez-vous plus tard, et toujours dans un contexte éditorial qui peine économiquement à se remettre des crises successives, un contexte où notre édition déjà très fragile se voit encore plus menacée par le brouillard jeté sur le métier d’éditeur avec la montée en puissance de l’auto-édition et autres prestataires de services se prétendant « éditeurs » sans prendre un seul risque ; avec la croissance exponentielle des ventes du livre d’occasion et une concentration éditoriale de plus en plus forte ; avec, enfin, notre visibilité plus mise à mal encore par l’autorisation de la publicité des œuvres littéraires à la télévision… …Trois ans de rendez-vous plus tard, donc, et un bon bout de chemin parcouru, nous y croyions pourtant encore. Et même si le changement de portefeuille ministériel nous avait bien fait sursauter, nous voulions croire que les signaux étaient au vert dans les déclarations de Mme la Ministre, reconnaissant une édition foisonnante en région. Nous étions un peu rassurés. Ouf ! Nous le savions, nous allions devoir presque tout recommencer, mais cet effort et ce chemin n’avaient pas été faits en vain ; le temps restant jusqu’au jour du changement de conseil d’administration du CNL était court, mais rien n’était impossible, nous n’étions pas au même endroit. Puis nos visages se sont illuminés lorsque le ministère nous a invité à présenter une liste conjointe et concertée avec le SNE. Voilà que nous avons cru, plus que jamais, que la porte qui nous donnait accès à ce siège s’entrouvrait — honnêtement, on y a cru vraiment, on a vraiment voulu y croire. Pourtant, c’est bien là, à la porte, que nous sommes restés. Pas de siège, pas encore. Comment ? Pourquoi ? Nous ne le saurons sans doute jamais, et puis, a-t-on vraiment besoin de le savoir ? Je ne le pense pas. Ce dont, à mon sens, nous avons besoin, est de continuer notre chemin, de continuer de nous « expliquer », de continuer les actions et les projets que vous allez découvrir dans les pages qui suivent, les nôtres. Vous le verrez, les articles sont toujours rédigés avec le sourire, même si parfois le ton est un peu jaune. Continuons d’être ce que nous sommes. Continuons de croire en ce qui nous a fait nous fédérer. Continuons de croire en nous et en notre différence. Parce que c’est elle qui nous fait exister et ne pourra bientôt plus être ignorée. Continuons de croire en ce siège, parce que cela doit bien pouvoir être possible, un jour !