Aissatou - alias « Aicha » nous attend chez elle, devant une vieille TV cathodique qu’elle ne regarde pas, absorbée par un smartphone qui ne la quitte jamais. On débarque tous les 7 et bientôt le son de la télévision peine à se faire entendre. Aicha nous installe dans une des deux chambres de l’appartement et s’exaspère alors qu’on refuse ce privilège : « De toute façon, personne n’utilise cette chambre, les enfants dorment tous ensemble et moi je préfère passer la nuit au salon, devant la télé ! ». On frappe à la porte : c’est Fatim, une amie d’Aicha fraichement débarquée de Côte d’Ivoire. Elle loge ici les jours où Aicha travaille, pour emmener et récupérer les enfants à l’école et l’aider dans son quotidien. Elle fait ça bénévolement, par amitié « et aussi pour m’occuper », sourit-elle. Mais cette semaine, Fatim est en vacances ! Elle est seulement venue saluer les petits français qui prennent son relais. Un bonjour à la volée et déjà, nous sommes entrainés vers le terrain de jeux, incapables de résister à la volonté de fer d’une troupe d’enfants surexcités. Le temps change de vitesse quand on le passe avec des enfants. La semaine s’écoule très vite mais les journées sont incroyablement denses et chargées. L’impression bizarre celle du voyage que le temps s’est dilaté mais que notre perception l’a accéléré. Les galères se succèdent mais avec cette permanence dans la joie et la bonne humeur qui rend tout, ou presque, agréable. Les sorties avec les enfants et les allers-retours à l’école nous réservent à chaque fois de nouvelles aventures, ponctuées par les chutes et les couches pleines du petit Najib, les bobos de Mohammed, les courses derrière Oumar le fugueur, les bagarres d’Aboulaye et les incessantes questions de Khadija. Lorsque nous revenons de nos longues journées, le salon d’Aicha est peuplé d’amis et d’inconnus qui viennent s’informer sur la situation de la migration à Tanger, acheter des produits, demander de l’aide ou simplement rendre visite à la famille. La musique joue à plein et couvre les voix, qui tentent de se faire entendre, en woloff, en malinké, en djoulah, en anglais ou en bambara. En une semaine, nous vivons des choses incroyablement fortes, passant des rires aux larmes avec une rapidité désarmante. Tout, dans ce quotidien, est plus intense. Pendant notre séjour, notre ami Ndumbuya, 25 ans, est tombé dans le coma suite à un accident de voiture dans laquelle s’entassait une vingtaine de migrants pour se rendre dans un « polo », planque clandestine où l’on attend avant de tenter la traversée de la Méditerranée. Glawdis, une orpheline de 15 ans recueillie plusieurs mois chez Aicha en 2016 est devenue mère : « Voilà une enfant qui fait un enfant », s’attriste Aicha. Et ce n’est pas une semaine extraordinaire, c’est le quotidien des migrants subsahariens au Maroc, c’est le quotidien d’Aicha et de ses enfants. Alors, lorsque l’on rit chez les Barry, ça prend une autre dimension que dans beaucoup d’endroits. C’est comme si la gravité s’était emparée du rire et de la plaisanterie pour en faire des affaires sérieuses, elles-aussi. C’est plus intense, plus soudain, plus spontané, plus joyeux, ça fait plus de bruit et c’est aussi sacrément contagieux. Aissatou - alias « Aicha » - nous attend chez elle, devant une vieille TV cathodique qu’elle ne regarde pas, absorbée par un smartphone qui ne la quitte jamais. On débarque tous les 7 et bientôt le son de la télévision peine à se faire entendre. Aicha nous installe dans une des deux chambres de l’appartement et s’exaspère alors qu’on refuse ce privilège : « De toute façon, personne n’utilise cette chambre, les enfants dorment tous ensemble et moi je préfère passer la nuit au salon, devant la télé ! ». On frappe à la porte : c’est Fatim, une amie d’Aicha fraichement débarquée de Côte d’Ivoire. Elle loge ici les jours où Aicha travaille, pour emmener et récupérer les enfants à l’école et l’aider dans son quotidien. Elle fait ça bénévolement, par amitié « et aussi pour m’occuper », sourit-elle. Mais cette semaine, Fatim est en vacances ! Elle est seulement venue saluer les petits français qui prennent son relais. Un bonjour à la volée et déjà, nous sommes entrainés vers le terrain de jeux, incapables de résister à la volonté de fer d’une troupe d’enfants surexcités. Le temps change de vitesse quand on le passe avec des enfants. La semaine s’écoule très vite mais les journées sont incroyablement denses et chargées. L’impression bizarre – celle du voyage - que le temps s’est dilaté mais que notre perception l’a accéléré. Les galères se succèdent mais avec cette permanence dans la joie et la bonne humeur qui rend tout, ou presque, agréable. Les sorties avec les enfants et les allers-retours à l’école nous réservent à chaque fois de nouvelles aventures, ponctuées par les chutes et les couches pleines du petit Najib, les bobos de Mohammed, les courses derrière Oumar le fugueur, les bagarres d’Aboulaye et les incessantes questions de Khadija. Lorsque nous revenons de nos longues journées, le salon d’Aicha est peuplé d’amis et d’inconnus qui viennent s’informer sur la situation de la migration à Tanger, acheter des produits, demander de l’aide ou simplement rendre visite à la famille. La musique joue à plein et couvre les voix, qui tentent de se faire entendre, en woloff, en malinké, en djoulah, en anglais ou en bambara. En une semaine, nous vivons des choses incroyablement fortes, passant des rires aux larmes avec une rapidité désarmante. Tout, dans ce quotidien, est plus intense. Pendant notre séjour, notre ami Ndumbuya, 25 ans, est tombé dans le coma suite à un accident de voiture dans laquelle s’entassait une vingtaine de migrants pour se rendre dans un « polo », planque clandestine où l’on attend avant de tenter la traversée de la Méditerranée. Glawdis, une orpheline de 15 ans recueillie plusieurs mois chez Aicha en 2016 est devenue mère : « Voilà une enfant qui fait un enfant », s’attriste Aicha. Et ce n’est pas une semaine extraordinaire, c’est le quotidien des migrants subsahariens au Maroc, c’est le quotidien d’Aicha et de ses enfants. Alors, lorsque l’on rit chez les Barry, ça prend une autre dimension que dans beaucoup d’endroits. C’est comme si la gravité s’était emparée du rire et de la plaisanterie pour en faire des affaires sérieuses, elles-aussi. C’est plus intense, plus soudain, plus spontané, plus joyeux, ça fait plus de bruit et c’est aussi sacrément contagieux.