Après cette période sombre, Aicha balaye les doutes et les échecs et décide de donner une nouvelle direction à sa vie : elle sera marocaine sinon rien. Marre des frontières, des policiers et du temps perdu, elle décide de faire son trou là où elle est, et plus rien ne pourra l’en empêcher. Car s’il faut savoir quelque chose sur Aicha, c’est qu’il ne vaut mieux pas être sur son chemin lorsqu’elle s’est mis une idée en tête. Révoltée par les refus et les difficultés qui lui ont barré la route jusqu’ici et forte du statut légal que lui octroie son séjour, elle commence sa lutte pour l’intégration. Avec quelques amis, elle crée une première association pour faire entendre les droits des subsahariens au Maroc : AMAMOC. Rapidement, son petit studio de Souk Dakhel devient un bureau officieux de la migration à Tanger. Du petit matin jusqu’à ce que les enfants tombent endormis sur les genoux des invités, on se relaie à la porte d’Aicha avec des dizaines, des centaines de demandes ; celui-ci cherche la communauté malienne, celui-là signale un mineur isolé, un autre a besoin de médicaments, de cahiers d’école ou simplement d’argent. Submergée, « Mama Aicha » endosse les responsabilités avec gratitude et sérieux, héberge dans son petit appartement les mineurs en difficulté, oriente les malades, trouve des partenariats avec des écoles, des hôpitaux… Mais elle ne dégage aucun revenu pour elle et ses enfants et, malgré sa récente opération qui lui ouvre l’espoir de remarcher bientôt, sa situation demeure plus que précaire. Un paradoxe se crée, alors qu’en tendant la main à tous, Aicha est incapable de s’aider elle-même. D’autant que les membres de son bureau sont partis vers l’Espagne ou la Lybie et qu’elle se retrouve désormais seule à la tête de sa petite structure. L’association est dissoute. Mais cela n’arrête pas Aicha qui, de débrouilles en galères, arrive toujours à puiser dans son caractère et son inaltérable volonté pour faire avancer sa vie et celle de sa famille. En janvier 2016, elle crée une nouvelle association « Les Ponts Solidaires » et se rapproche de la vie publique et des institutions marocaines. L’idée est de perpétuer les activités caritatives à destination des migrants en drainant cette fois-ci des soutiens financiers. Avec, à la clef, un poste de salariée. En juillet, l’association est choisie pour l’organisation du carnaval de la fête du trône, en l’honneur de l’intronisation du Roi Mohammed VI. Pour la première fois à Tanger, les migrants subsahariens participent à cette fête ; les chants et les danses de nombreux pays africains se mélangent au folklore marocain. Tout au long de l’année 2016, Aicha représente « Les Ponts Solidaires » et défend la voix des migrants dans les conférences et réunions régionales sur la migration. Son engagement prend même un tour international, alors qu’elle rejoint l’Integration Strategy Group groupe de réflexion allemano-turque sur la migration et qu’elle est invitée à intervenir à la COP22 de Marrakech. Toujours sur la brèche niveau finance, Aissatou parvient malgré tout à faire déménager sa famille dans un vrai appartement, avec fenêtres et salle d’eau, quartier Moudjahiddine, loin du centre-ville et de ses mauvais souvenirs. De meilleurs jours se profilent enfin à l’horizon. Fin 2016, une annonce du gouvernement marocain va encore faire évoluer sa situation : une deuxième campagne de régularisation des sans-papiers est lancée. Aicha se présente spontanément à la Wilaya de Tanger et propose ses services et son expérience. Un bureau de sensibilisation et d’orientation lui est ouvert dans le hall de la Wilaya. Rapidement, elle est appelé à siéger dans la commission qui étudie les demandes de régularisation et Aicha devient la première subsaharienne à travailler pour la préfecture tangéroise. Désormais, 6 jours par semaine, elle se lève à 6h du matin et part pour la Wilaya, où elle traite entre 100 et 300 demandes par jour. Une fois la campagne de régularisation terminée, elle projette d’ouvrir son propre bureau d’écoute et d’orientation « pour empêcher les jeunes de risquer leur vie dans la mer ou à la barrière » Aicha ne cherche plus à attraper ses rêves. Elle étreint la réalité et la donne à regarder à ceux qui dérivent. A grand coup de « Il faut », Aicha bâtit son idéal pour demain : « Il faut donner un projet à ces jeunes qui sont perdus et dont le seul but est de rejoindre l’Europe. » « Il faut que l’Europe comprenne notre valeur et notre détresse. » « Il faut que les migrants et les gouvernements européens communiquent. » A cette frontière entre deux continents, Aicha a déjà déplacé des montagnes. Alors, si elle veut désormais construire des ponts, qui pourra l’en empêcher ? Après cette période sombre, Aicha balaye les doutes et les échecs et décide de donner une nouvelle direction à sa vie : elle sera marocaine sinon rien. Marre des frontières, des policiers et du temps perdu, elle décide de faire son trou là où elle est, et plus rien ne pourra l’en empêcher. Car s’il faut savoir quelque chose sur Aicha, c’est qu’il ne vaut mieux pas être sur son chemin lorsqu’elle s’est mis une idée en tête. Révoltée par les refus et les difficultés qui lui ont barré la route jusqu’ici et forte du statut légal que lui octroie son séjour, elle commence sa lutte pour l’intégration. Avec quelques amis, elle crée une première association pour faire entendre les droits des subsahariens au Maroc : AMAMOC. Rapidement, son petit studio de Souk Dakhel devient un bureau officieux de la migration à Tanger. Du petit matin jusqu’à ce que les enfants tombent endormis sur les genoux des invités, on se relaie à la porte d’Aicha avec des dizaines, des centaines de demandes ; celui-ci cherche la communauté malienne, celui-là signale un mineur isolé, un autre a besoin de médicaments, de cahiers d’école ou simplement d’argent. Submergée, « Mama Aicha » endosse les responsabilités avec gratitude et sérieux, héberge dans son petit appartement les mineurs en difficulté, oriente les malades, trouve des partenariats avec des écoles, des hôpitaux… Mais elle ne dégage aucun revenu pour elle et ses enfants et, malgré sa récente opération qui lui ouvre l’espoir de remarcher bientôt, sa situation demeure plus que précaire. Un paradoxe se crée, alors qu’en tendant la main à tous, Aicha est incapable de s’aider elle-même. D’autant que les membres de son bureau sont partis vers l’Espagne ou la Lybie et qu’elle se retrouve désormais seule à la tête de sa petite structure. L’association est dissoute. Mais cela n’arrête pas Aicha qui, de débrouilles en galères, arrive toujours à puiser dans son caractère et son inaltérable volonté pour faire avancer sa vie et celle de sa famille. En janvier 2016, elle crée une nouvelle association - « Les Ponts Solidaires » - et se rapproche de la vie publique et des institutions marocaines. L’idée est de perpétuer les activités caritatives à destination des migrants en drainant cette fois-ci des soutiens financiers. Avec, à la clef, un poste de salariée. En juillet, l’association est choisie pour l’organisation du carnaval de la fête du trône, en l’honneur de l’intronisation du Roi Mohammed VI. Pour la première fois à Tanger, les migrants subsahariens participent à cette fête ; les chants et les danses de nombreux pays africains se mélangent au folklore marocain. Tout au long de l’année 2016, Aicha représente « Les Ponts Solidaires » et défend la voix des migrants dans les conférences et réunions régionales sur la migration. Son engagement prend même un tour international, alors qu’elle rejoint l’Integration Strategy Group – groupe de réflexion allemano-turque sur la migration - et qu’elle est invitée à intervenir à la COP22 de Marrakech. Toujours sur la brèche niveau finance, Aissatou parvient malgré tout à faire déménager sa famille dans un vrai appartement, avec fenêtres et salle d’eau, quartier Moudjahiddine, loin du centre-ville et de ses mauvais souvenirs. De meilleurs jours se profilent enfin à l’horizon. Fin 2016, une annonce du gouvernement marocain va encore faire évoluer sa situation : une deuxième campagne de régularisation des sans-papiers est lancée. Aicha se présente spontanément à la Wilaya de Tanger et propose ses services et son expérience. Un bureau de sensibilisation et d’orientation lui est ouvert dans le hall de la Wilaya. Rapidement, elle est appelé à siéger dans la commission qui étudie les demandes de régularisation et Aicha devient la première subsaharienne à travailler pour la préfecture tangéroise. Désormais, 6 jours par semaine, elle se lève à 6h du matin et part pour la Wilaya, où elle traite entre 100 et 300 demandes par jour. Une fois la campagne de régularisation terminée, elle projette d’ouvrir son propre bureau d’écoute et d’orientation « pour empêcher les jeunes de risquer leur vie dans la mer ou à la barrière » Aicha ne cherche plus à attraper ses rêves. Elle étreint la réalité et la donne à regarder à ceux qui dérivent. A grand coup de « Il faut », Aicha bâtit son idéal pour demain : « Il faut donner un projet à ces jeunes qui sont perdus et dont le seul but est de rejoindre l’Europe. » « Il faut que l’Europe comprenne notre valeur et notre détresse. » « Il faut que les migrants et les gouvernements européens communiquent. » A cette frontière entre deux continents, Aicha a déjà déplacé des montagnes. Alors, si elle veut désormais construire des ponts, qui pourra l’en empêcher ?