Je me demande ce qu'un fabuliste du XXIe siècle pourrait dire du coronavirus d'un nanomètre qui a ébranlé la planète toute entière obligeant près de cinq milliards de ses habitants au confinement. L'animal est habile, comme toujours à la chasse il attaque d'abord les plus faibles qui sont les plus âgés, ceux dont nous disions jadis, en décembre 2019, qu'ils sont à l'instant de leur mort des bibliothèques qui disparaissent. Il est vrai que nous avons pris l'habitude de ranger ces livres humains dans des EHPAD qui, pourtant, ne sont en rien des bibliothèques. Bien sûr, la déploration quotidienne des disparus occupe la petite lucarne. Jamais surnom n'a si bien dit ce qu'est devenu la télévision. Les lucarnes ne sont pas grandes, mais quand elles sont petites elles donnent peu à voir. L'on y découvre chaque soir un regard de cyclope, un seul sujet à l'antenne, le Covid. Rien d'autre n'existe que ce nom devenu familier mêlé dès vingt heures aux applaudissement dus à ceux qui nous soignent et qui n'ont rien obtenu de ce qu'ils réclamaient pour exercer leurs métiers, pas même des masques de protection. Peut-être le fabuliste dirait-il que ce virus énigmatique est en réalité notre miroir. N'est-ce pas nous-même qui avons créé l'interdépendance qui lui a ouvert la voie ? La mondialisation des échanges n'a-t-elle pas d'abord servi l'économie, les humains à son service plutôt que l'économie au service des humains ? N'avons-nous pas sciemment dégradé nos milieux, déforesté, fracturé les sols, épandus des poisons, souillé et plastifié les mers et les océans ? À se demander si nous ne sommes pas beaucoup plus dangereux que le virus couronné. Le fabuliste pourrait, en guise de morale de la fable, nous dire que Covid-à-notre-image, enfant de notre biotope, est venu nous prévenir que nous sommes au bord du gouffre et qu'il faut prendre garde de ne pas faire un grand pas en avant. Stéphane Paoli Je me demande ce qu'un fabuliste du XXIe siècle pourrait dire du coronavirus d'un nanomètre qui a ébranlé la planète toute entière obligeant près de cinq milliards de ses habitants au confinement. L'animal est habile, comme toujours à la chasse il attaque d'abord les plus faibles qui sont les plus âgés, ceux dont nous disions jadis, en décembre 2019, qu'ils sont à l'instant de leur mort des bibliothèques qui disparaissent. Il est vrai que nous avons pris l'habitude de ranger ces livres humains dans des EHPAD qui, pourtant, ne sont en rien des bibliothèques. Bien sûr, la déploration quotidienne des disparus occupe la petite lucarne. Jamais surnom n'a si bien dit ce qu'est devenu la télévision. Les lucarnes ne sont pas grandes, mais quand elles sont petites elles donnent peu à voir. L'on y découvre chaque soir un regard de cyclope, un seul sujet à l'antenne, le Covid. Rien d'autre n'existe que ce nom devenu familier mêlé dès vingt heures aux applaudissement dus à ceux qui nous soignent et qui n'ont rien obtenu de ce qu'ils réclamaient pour exercer leurs métiers, pas même des masques de protection. Peut-être le fabuliste dirait-il que ce virus énigmatique est en réalité notre miroir. N'est-ce pas nous-même qui avons créé l'interdépendance qui lui a ouvert la voie ? La mondialisation des échanges n'a-t-elle pas d'abord servi l'économie, les humains à son service plutôt que l'économie au service des humains ? N'avons-nous pas sciemment dégradé nos milieux, déforesté, fracturé les sols, épandus des poisons, souillé et plastifié les mers et les océans ? À se demander si nous ne sommes pas beaucoup plus dangereux que le virus couronné. Le fabuliste pourrait, en guise de morale de la fable, nous dire que Covid-à-notre-image, enfant de notre biotope, est venu nous prévenir que nous sommes au bord du gouffre et qu'il faut prendre garde de ne pas faire un grand pas en avant.