Demain, nous serons plus humains. Est-ce un vœu ? Une espérance ? Une intuition ? Tout cela peut-être. Mais pour moi, c’est une certitude. D’abord, nous retrouverons le bonheur d’être plus modeste et plus humble. Depuis la seconde moitié du XXe siècle, la révolution scientifique n’a cessé de nous offrir de nouvelles découvertes, des avancées technologiques inespérées. La génétique, l’informatique, le numérique et l’intelligence artificielle avaient repoussé nos horizons. Nous imaginions déjà améliorer l’homme dans ses capacités, lui donner d’autres qualités. Avec l’homme augmenté, nous redéfinissions une forme de transhumanisme ayant pour but de créer un surhomme. Nous allions même jusqu’à rêver d’un posthumanisme fondé sur l’immortalité. Jugeant notre terre trop étriquée, nous préparions la conquête d’autres planètes. Nous étions habités par un sentiment de puissance inégalée. Et voilà qu’un virus venu de l’autre côté de notre monde se révélait encore plus ambitieux que nous. Il nous envahissait, provoquant des malades innombrables et des morts par milliers. L’intrus était invisible, imprévisible et inconnu. Nous prenions soudain conscience de notre ignorance et de notre impuissance. À l’avenir, nous redécouvrirons les vertus de la modestie et de l’humilité plus conformes à notre humanité fragile. Ensuite, nous établirons une nouvelle échelle de valeurs en replaçant la valeur de la vie au premier rang. Dans de nombreux domaines, notamment celui de la santé, nous avions pris l’habitude de voir les impératifs économiques s’imposer nous contraignant à nous adapter. Et voilà que la catastrophe sanitaire changeait la donne. « Quoiqu’il en coûte », il fallait tout faire pour sauver et préserver nos vies. Il nous fallait faire des sacrifices. Donnant l’exemple, les soignants s’engageaient au point de risquer leur propre vie pour sauver celles des autres. Ils révélaient leur courage et leur abnégation. Ils prouvaient que le combat pour la vie est le premier qui mérite d’être mené. Et tous les autres assurant par leur travail le maintien d’une vie quotidienne démontraient la force de leur engagement, « quoiqu’il leur en coûte ». À l’avenir, nous saurons nous souvenir que la vie est la première valeur à respecter. Nous serons aussi convaincus de la nécessité irréfragable du lien social. Depuis quelques décennies, abandonnant toute référence au passé et toute projection dans l’avenir, une philosophie postmoderne s’était emparée des esprits. Prônant l’individualisme, l’hédonisme et le matérialisme, elle exigeait la satisfaction de chacun de nos désirs dans l’instant présent. L’égoïsme prévalait. Et voilà que cette maladie virale, contagieuse, rappelait comme une évidence que nous formions une communauté et qu’il fallait lutter ensemble, un pour tous et tous pour un. Se confiner et porter un masque devenaient essentiel pour protéger les autres tandis que les autres nous protégeaient de façon identique en partageant les mêmes armes. Nous prenions conscience que privées de tout contact avec leurs proches, les personnes âgées, isolées dans leur chambre, perdaient le goût de vivre. Sans affection, sans sourire, elles préféraient se laisser mourir. Nous avions la confirmation que l’homme est bien un animal social. Il ne vit que par l’autre et pour l’autre. À l’évidence, le lien social retrouvera sa place essentielle dans nos vies. C’est lui qui, selon les circonstances, permet à celui qui se trouve en difficulté de solliciter de l’aide et à celui qui est en situation de le faire de l’apporter. Enfin, notre humanité retrouvera la nécessité de la résilience pour cheminer vers de nouveaux défis. Après avoir survécu, après nous être adaptés à la vie confinée et aux sacrifices nécessaires, il nous faudra rebondir. Nous réussirons grâce à des efforts et de la volonté. Dans ma pratique médicale, j’ai souvent constaté la résilience à l’œuvre chez les malades pour obtenir la guérison. J’ai pu aussi apprécier le rôle de la résilience lors de drames humanitaires pour permettre aux populations éprouvées de retrouver leur fierté d’être des humains, debout évidemment. C’est cela la résilience, reprendre nos vies, notre travail, nos efforts, nos plaisirs et nos devoirs pour dominer l’épreuve et en sortir plus forts. Et plus humains. Jean-François Mattei : Demain, nous serons plus humains. Est-ce un vœu ? Une espérance ? Une intuition ? Tout cela peut-être. Mais pour moi, c’est une certitude. D’abord, nous retrouverons le bonheur d’être plus modeste et plus humble. Depuis la seconde moitié du XXe siècle, la révolution scientifique n’a cessé de nous offrir de nouvelles découvertes, des avancées technologiques inespérées. La génétique, l’informatique, le numérique et l’intelligence artificielle avaient repoussé nos horizons. Nous imaginions déjà améliorer l’homme dans ses capacités, lui donner d’autres qualités. Avec l’homme augmenté, nous redéfinissions une forme de transhumanisme ayant pour but de créer un surhomme. Nous allions même jusqu’à rêver d’un posthumanisme fondé sur l’immortalité. Jugeant notre terre trop étriquée, nous préparions la conquête d’autres planètes. Nous étions habités par un sentiment de puissance inégalée. Et voilà qu’un virus venu de l’autre côté de notre monde se révélait encore plus ambitieux que nous. Il nous envahissait, provoquant des malades innombrables et des morts par milliers. L’intrus était invisible, imprévisible et inconnu. Nous prenions soudain conscience de notre ignorance et de notre impuissance. À l’avenir, nous redécouvrirons les vertus de la modestie et de l’humilité plus conformes à notre humanité fragile. Ensuite, nous établirons une nouvelle échelle de valeurs en replaçant la valeur de la vie au premier rang. Dans de nombreux domaines, notamment celui de la santé, nous avions pris l’habitude de voir les impératifs économiques s’imposer nous contraignant à nous adapter. Et voilà que la catastrophe sanitaire changeait la donne. « Quoiqu’il en coûte », il fallait tout faire pour sauver et préserver nos vies. Il nous fallait faire des sacrifices. Donnant l’exemple, les soignants s’engageaient au point de risquer leur propre vie pour sauver celles des autres. Ils révélaient leur courage et leur abnégation. Ils prouvaient que le combat pour la vie est le premier qui mérite d’être mené. Et tous les autres assurant par leur travail le maintien d’une vie quotidienne démontraient la force de leur engagement, « quoiqu’il leur en coûte ». À l’avenir, nous saurons nous souvenir que la vie est la première valeur à respecter. Nous serons aussi convaincus de la nécessité irréfragable du lien social. Depuis quelques décennies, abandonnant toute référence au passé et toute projection dans l’avenir, une philosophie postmoderne s’était emparée des esprits. Prônant l’individualisme, l’hédonisme et le matérialisme, elle exigeait la satisfaction de chacun de nos désirs dans l’instant présent. L’égoïsme prévalait. Et voilà que cette maladie virale, contagieuse, rappelait comme une évidence que nous formions une communauté et qu’il fallait lutter ensemble, un pour tous et tous pour un. Se confiner et porter un masque devenaient essentiel pour protéger les autres tandis que les autres nous protégeaient de façon identique en partageant les mêmes armes. Nous prenions conscience que privées de tout contact avec leurs proches, les personnes âgées, isolées dans leur chambre, perdaient le goût de vivre. Sans affection, sans sourire, elles préféraient se laisser mourir. Nous avions la confirmation que l’homme est bien un animal social. Il ne vit que par l’autre et pour l’autre. À l’évidence, le lien social retrouvera sa place essentielle dans nos vies. C’est lui qui, selon les circonstances, permet à celui qui se trouve en difficulté de solliciter de l’aide et à celui qui est en situation de le faire de l’apporter. Enfin, notre humanité retrouvera la nécessité de la résilience pour cheminer vers de nouveaux défis. Après avoir survécu, après nous être adaptés à la vie confinée et aux sacrifices nécessaires, il nous faudra rebondir. Nous réussirons grâce à des efforts et de la volonté. Dans ma pratique médicale, j’ai souvent constaté la résilience à l’œuvre chez les malades pour obtenir la guérison. J’ai pu aussi apprécier le rôle de la résilience lors de drames humanitaires pour permettre aux populations éprouvées de retrouver leur fierté d’être des humains, debout évidemment. C’est cela la résilience, reprendre nos vies, notre travail, nos efforts, nos plaisirs et nos devoirs pour dominer l’épreuve et en sortir plus forts. Et plus humains.