L’euphorie du développement était encore hier le chant de nos sociétés modernes. Il a fallu qu’un minuscule petit système vivant de l’ordre de quelques milliardièmes de mètre, vienne perturber un énorme système complexe : l’humanité. La mesure de notre Planète ne se cherche donc pas uniquement dans le cosmos, elle se trouve aussi dans les plus petites parcelles du vivant. Notre vie, notre paix sont perpétuellement menacés. Un enseignement qu’on peut tirer de ce bouleversement que notre société connaît. Nous allons sortir de la crise actuelle sans en être complètement indemne. Je ne parle pas de ceux et celles qui ont souffert dans leur chair ou dans leur âme, de ceux et celles qui y ont laissé leur vie ou de ceux sans doute dont les séquelles morales ou physiques se perpétueront encore durant de longues années. Non je parle des autres. Les autres qui n’avaient pas d’autre gloire à espérer que la simple évidence d’une vie qui les comble d’elle. De cette crise sanitaire, tout peut servir d’assise à la réflexion. Mais il y en a une qui perce parmi les autres : celle d’un besoin insatiable de Nature et de la beauté du Monde. Un besoin de remplir ses poumons d’air pur, de laisser sa peau infuser au soleil, de voir pousser les feuilles des arbres, de promenades dans les sylves odoriférantes, de la suavité des premières fleurs des champs, de la caresse du vent sur nos visages, de bouquets fleuris dans nos appartements. Un ras-le-bol du macadam, des immensités bétonnées, des bruits des moteurs, de leur senteur nauséabonde. Même pour les gens heureux, réfugiés à la campagne, la résonance des tracteurs et des charrues, les épandages des premiers pesticides devenaient insupportables. Et l’autre. N’oublions pas l’autre, l’ami ou l’être aimé qu’on ne peut pas revoir, le bistrot du coin où l’on partage un petit café. Car l’édifice humain tout entier repose sur la nature. Et nos valeurs, sur la liberté de la partager avec les autres. Deux aspects d’une même vertu. Cette crise a donné envie de se remettre à l’écoute de la nature et de lui laisser plus d’espaces de libertés. Nous avons revu, dans la quiétude des rues abandonnées ou des plages délaissées, les animaux de toute sorte reprendre leur droit de se montrer et de se multiplier. Il est à parier que nos abeilles soient revenues dans leurs ruches. Rien n’est immobile sur terre et dans l’espace. Et si l’homme se tapit un temps, résigné à l’imprévu, alors les animaux s’exhibent à leur tour lorsque le silence s’installe dans nos villes, nos parcs, nos forêts, nos océans, nos ciels. Et si Lévi Strauss dans « Tristes tropiques » associe le silence à la nature et définit la culture comme la rupture définitive du silence, il se trompe. Elle est là, à l’état latent, prête à revenir à condition que notre civilisation, nos cultures ne franchissent pas le seuil au delà duquel plus personne n’y pourrait rien. Ni les politiques, ni les scientifiques. Toutes les créatures vivantes ont besoin de paix et de silence. C’est une félicité d’écouter le bruissement de l’eau vive, le vrombissement des insectes, le murmure du vent. Car le silence, ce sont les mille petits bruits de la Nature. Ils nous habitent, nous hantent comme un besoin, un ressourcement attendu. L’homme a cru prendre possession de la nature. Mais aucun profit, aucune croissance économique, ne peuvent se faire aux dépens d’une nature qui nous est consubstantielle. Cette crise vient nous le remémorer. Et même si dans les villes, les forces de la solidarité, de la bienveillance et de l’humour sont venus peupler le quotidien des gens et éviter les crises de nerf, le besoin de nature a pu être perçu comme un remède moral et psychologique à nos « atterrements », nos angoisses face à l’enfermement, au confinement, à la peur diffusée par les discours morbides de l’information télévisuelle. Nous avons tous et toutes eu un besoin vorace de liberté, de nature, un désir d’être, d’être pleinement soi. On ne saurait s’en passer car ce besoin constitue une mesure de sagesse. Le monde ne souffre pas d’un excès de nature mais bien d’une insuffisance de limites aux effets de l’action humaine. Ce n’est ni une affaire de rhéteurs, de scientifiques ou de promotions politiques mais bien d’un choix d’une société. Ce sera le libre engagement de chacun qui fondera le mode de société de demain dans laquelle notre descendance vivra. Nous vivons dans le mouvement continu d’une aspiration à mieux être, à vivre plus et mieux. C’est légitime. Nous sommes faits de l’histoire des cultures humaines, du développement scientifique et technologique des derniers siècles. Il ne s’agit pas de renoncer au progrès, mais simplement de ralentir cette course folle aux agréments, à l’enrichissement excessif qui suscitent l’indifférence aux autres, qui promeuvent un développement à la hache, au feu, au bulldozer, au pesticide, dont la nature s’éteint. Posons-nous des questions. Comment les sociétés ont-elles disparues dans le passé et comment vont-elles survivre demain ? La vie sur la planète nous offre l’exemple d’un développement durable dont notre modèle économique devrait s’inspirer. L’homme doit renouer une relation sérieuse avec la Nature. Il est temps de choisir, d’agir. Au milieu de l’accélération du monde nous avions besoin d’un antidote à la fièvre du tout développement qui consume les civilisations. D’une prise de conscience simplement. Cet arrêt subit dans la cadence du Monde, nous aura permit de réfléchir. De rechercher en nous ce qui avait disparu, ce qui nous manquait vraiment. Et même si demain on nous explique, avec force d’arguments, que l’humanité ne saurait subsister sans cette vitesse et cet acharnement au développement technologique, à la concurrence économique, à la recherche scientifique innovante, il faut rétorquer que la science qui s’occupe des biens communs de l’humanité, la santé, la biodiversité, le réchauffement climatique, l’eau, l’alimentation, la solidarité est de bien plus grande importance. Elle ne saurait être négligée. Nos dirigeants doivent saisir la gravité de cette question et changer de concept, d’idée. Car, comme disait Alain, une idée, même vraie devient fausse à partir du moment où l’on s’en contente. Il nous faut ralentir. Il faut se battre pour ça. Et à quoi bon se battre si ce n’est pour vaincre. Daniel Nahon L’euphorie du développement était encore hier le chant de nos sociétés modernes. Il a fallu qu’un minuscule petit système vivant de l’ordre de quelques milliardièmes de mètre, vienne perturber un énorme système complexe : l’humanité. La mesure de notre Planète ne se cherche donc pas uniquement dans le cosmos, elle se trouve aussi dans les plus petites parcelles du vivant. Notre vie, notre paix sont perpétuellement menacés. Un enseignement qu’on peut tirer de ce bouleversement que notre société connaît. Nous allons sortir de la crise actuelle sans en être complètement indemne. Je ne parle pas de ceux et celles qui ont souffert dans leur chair ou dans leur âme, de ceux et celles qui y ont laissé leur vie ou de ceux sans doute dont les séquelles morales ou physiques se perpétueront encore durant de longues années. Non je parle des autres. Les autres qui n’avaient pas d’autre gloire à espérer que la simple évidence d’une vie qui les comble d’elle. De cette crise sanitaire, tout peut servir d’assise à la réflexion. Mais il y en a une qui perce parmi les autres : celle d’un besoin insatiable de Nature et de la beauté du Monde. Un besoin de remplir ses poumons d’air pur, de laisser sa peau infuser au soleil, de voir pousser les feuilles des arbres, de promenades dans les sylves odoriférantes, de la suavité des premières fleurs des champs, de la caresse du vent sur nos visages, de bouquets fleuris dans nos appartements. Un ras-le-bol du macadam, des immensités bétonnées, des bruits des moteurs, de leur senteur nauséabonde. Même pour les gens heureux, réfugiés à la campagne, la résonance des tracteurs et des charrues, les épandages des premiers pesticides devenaient insupportables. Et l’autre. N’oublions pas l’autre, l’ami ou l’être aimé qu’on ne peut pas revoir, le bistrot du coin où l’on partage un petit café. Car l’édifice humain tout entier repose sur la nature. Et nos valeurs, sur la liberté de la partager avec les autres. Deux aspects d’une même vertu. Cette crise a donné envie de se remettre à l’écoute de la nature et de lui laisser plus d’espaces de libertés. Nous avons revu, dans la quiétude des rues abandonnées ou des plages délaissées, les animaux de toute sorte reprendre leur droit de se montrer et de se multiplier. Il est à parier que nos abeilles soient revenues dans leurs ruches. Rien n’est immobile sur terre et dans l’espace. Et si l’homme se tapit un temps, résigné à l’imprévu, alors les animaux s’exhibent à leur tour lorsque le silence s’installe dans nos villes, nos parcs, nos forêts, nos océans, nos ciels. Et si Lévi Strauss dans « Tristes tropiques » associe le silence à la nature et définit la culture comme la rupture définitive du silence, il se trompe. Elle est là, à l’état latent, prête à revenir à condition que notre civilisation, nos cultures ne franchissent pas le seuil au delà duquel plus personne n’y pourrait rien. Ni les politiques, ni les scientifiques. Toutes les créatures vivantes ont besoin de paix et de silence. C’est une félicité d’écouter le bruissement de l’eau vive, le vrombissement des insectes, le murmure du vent. Car le silence, ce sont les mille petits bruits de la Nature. Ils nous habitent, nous hantent comme un besoin, un ressourcement attendu. L’homme a cru prendre possession de la nature. Mais aucun profit, aucune croissance économique, ne peuvent se faire aux dépens d’une nature qui nous est consubstantielle. Cette crise vient nous le remémorer. Et même si dans les villes, les forces de la solidarité, de la bienveillance et de l’humour sont venus peupler le quotidien des gens et éviter les crises de nerf, le besoin de nature a pu être perçu comme un remède moral et psychologique à nos « atterrements », nos angoisses face à l’enfermement, au confinement, à la peur diffusée par les discours morbides de l’information télévisuelle. Nous avons tous et toutes eu un besoin vorace de liberté, de nature, un désir d’être, d’être pleinement soi. On ne saurait s’en passer car ce besoin constitue une mesure de sagesse. Le monde ne souffre pas d’un excès de nature mais bien d’une insuffisance de limites aux effets de l’action humaine. Ce n’est ni une affaire de rhéteurs, de scientifiques ou de promotions politiques mais bien d’un choix d’une société. Ce sera le libre engagement de chacun qui fondera le mode de société de demain dans laquelle notre descendance vivra. Nous vivons dans le mouvement continu d’une aspiration à mieux être, à vivre plus et mieux. C’est légitime. Nous sommes faits de l’histoire des cultures humaines, du développement scientifique et technologique des derniers siècles. Il ne s’agit pas de renoncer au progrès, mais simplement de ralentir cette course folle aux agréments, à l’enrichissement excessif qui suscitent l’indifférence aux autres, qui promeuvent un développement à la hache, au feu, au bulldozer, au pesticide, dont la nature s’éteint. Posons-nous des questions. Comment les sociétés ont-elles disparues dans le passé et comment vont-elles survivre demain ? La vie sur la planète nous offre l’exemple d’un développement durable dont notre modèle économique devrait s’inspirer. L’homme doit renouer une relation sérieuse avec la Nature. Il est temps de choisir, d’agir. Au milieu de l’accélération du monde nous avions besoin d’un antidote à la fièvre du tout développement qui consume les civilisations. D’une prise de conscience simplement. Cet arrêt subit dans la cadence du Monde, nous aura permit de réfléchir. De rechercher en nous ce qui avait disparu, ce qui nous manquait vraiment. Et même si demain on nous explique, avec force d’arguments, que l’humanité ne saurait subsister sans cette vitesse et cet acharnement au développement technologique, à la concurrence économique, à la recherche scientifique innovante, il faut rétorquer que la science qui s’occupe des biens communs de l’humanité, la santé, la biodiversité, le réchauffement climatique, l’eau, l’alimentation, la solidarité est de bien plus grande importance. Elle ne saurait être négligée. Nos dirigeants doivent saisir la gravité de cette question et changer de concept, d’idée. Car, comme disait Alain, une idée, même vraie devient fausse à partir du moment où l’on s’en contente. Il nous faut ralentir. Il faut se battre pour ça. Et à quoi bon se battre si ce n’est pour vaincre. 04.05.2020